Exposition - Les prisonniers de guerre français internés en Suisse, 1916-1918
23 / 08 / 2023
La galerie Victoria à Finhaut accueille une exposition sur les internés de guerre dès le 1er juillet. Archives, témoignages, anecdotes et illustrations issues des recherches menées par Christophe Goumand vous immergeront dans ce pan d’histoire méconnu de notre région.
Ils furent environ 70'000 internés de guerre à avoir connu les « prisons dorées » de notre pays au début du siècle passé sur une période allant de mai 1916 à fin 1918, voir même jusqu’en 1919 pour certains d’entre eux. Grâce aux recherches menées pendant plus de 15 ans par Christophe Gourmand, habitant de Giétroz à Finhaut, ce riche pan de notre histoire refait surface avec moult archives mettant en lumière leur passage à Finhaut, Champéry, la vallée des Ormonts, Montana, l’Oberland Bernois et toute la Suisse.
Dans l’ancien hôtel Victoria à Finhaut, le visiteur sera plongé dans les archives composées d’anecdotes, d’illustrations ou de témoignages écrits de la main des internés ainsi que des autochtones, qui mettront en lumière ce moment intense du début de siècle passé. Même une ancienne chambre d’hôtel a été reconstituée afin de restituer l’ambiance particulière de cette époque.
La photo à l’origine de l’expo
C’est en découvrant une photographie ancienne cachée derrière le portrait de son arrière-grand-mère que Christophe Goumand, intrigué, a décidé de remonter le fil du temps et ainsi démêler la pelote des multiples histoires personnelles de ces internés de guerre accueillis dans son village : « Cette image datant de mai 1916 mettait en scène une réception avec de nombreuses personnes attablées. Cela a attisé ma curiosité, suivie par la réminiscence d’histoires que me racontait mon grand-père au sujet de ces réfugiés dont il évoquait l’arrivée en grandes pompes dans nos contrées. » Archéologue, exerçant par conséquent un métier dont la recherche fait partie intégrante, le Fignolin assouvit son désir de connaissance par la quête d’informations qui se traduira par la récolte de nombreuses archives et aboutira finalement à une exposition : « Durant 15 ans j’ai compilé tout ce que je pouvais récupérer. Parmi les nombreux documents, il est intéressant de souligner que certains sont des témoignages non seulement des internés, mais également par des gens du coin. »
Les « prisons dorées »
« Ne recevant que les soins minimaux, les blessés et les malades prisonniers dans le pays ennemi étaient envoyés en provenance essentiellement de la France et l’Allemagne pour être soignés. Sans grandes ressources à ce niveau-là, les pays belligérants avaient signé des accords avec notre pays pour leur accueil. Les internés étaient donc placés dans des hôtels, « ces prisons dorées » comme ils les appelaient », explique Christophe Goumand qui ajoute : «Ils faisaient des excursions, montaient des spectacles, participaient à des ateliers, travaillaient dans des scieries dans lesquelles ils construisaient des maisons préfabriquées, démontées, qui étaient par la suite envoyées en France afin de reconstruire le pays après la guerre .» Intégrés à la vie locale, certains ont même épousé des filles d’ici : « Beaucoup sont retournés au pays avec des filles de chez nous. »
Les internés, ces héros
Durant ses recherches, Christophe Goumand est tombé sur la correspondance d'un certain Lucien Rogeron qui était un Parisien interné, qui écrivait souvent à sa fille et sa femme qui vint le trouver : « J’ai des photos de lui avec sa femme. C’est intéressant de pouvoir refaire un peu l'histoire à travers ces archives qui font également écho à ce qui se passait ici dans notre région. J'ai complété avec d'autres documents trouvés aussi à Champéry, tels que les discours de bienvenue du président ou ceux prononcés lors d'un enterrement : certains arrivaient blessés ou malades, puis mourraient chez nous. » D’autres images montrent l'arrivée dans Champéry des internés, acclamés par la foule qui les accueillait : « Ils étaient reçus comme des héros. Les gens d’ici ne connaissaient de la guerre que ce qu’ils entendaient par les récits ou la propagande : les voir débarquer les confrontaient à la réalité de cette guerre. Si l’on se replace dans le contexte de l’époque, on comprend que le patriotisme était exacerbé : ces héros qui allaient au front étaient vraiment considérés comme des héros. Les gens les acclamaient avec des Vive la France ! » Autre anecdote très parlante ; lorsque les trains passaient de nuit, l’on allumait des feux de Bengale : « Dans un article de presse de l’époque, on y peut lire l’annonce de l’arrivée d’un train qui allait passer à telle heure à Saint Maurice. Toute la population se réunissait pour les voir passer et leur offrir plein de cadeaux, fleurs, bonbons ou tabac … les internés recevaient tellement de choses qu'on leur fournissait des sacs pour récolter les dons ! »